Interviews experts MM : 4 questions à… Julie Crouzillac
Interviews experts MM : 4 questions à… Julie Crouzillac
"Face à un dilemme, si vous ne décidez pas, ce sont les autres ou la vie qui décideront pour vous"
Prendre des décisions fait partie du quotidien des managers, mais savoir décider vite, juste et sereinement reste un véritable défi. Dans cet entretien, notre experte en management partage des repères essentiels pour traverser l’incertitude, gérer les dilemmes, annoncer une décision impopulaire et faire preuve de courage managérial.
Directrice exécutive d’ADN Group et autrice de Les Négociatrices (Eyrolles), Julie Crouzillac accompagne dirigeant·es et organisations dans l’art de décider, de dialoguer et de traverser les zones de tension. Experte des dynamiques humaines en négociation, elle œuvre pour un leadership plus conscient, éclairé par la clarté des enjeux, l’écoute active et la responsabilité dans l’action.
1. Quelles sont les trois étapes à suivre avant de prendre une décision importante ?
"Avant de prendre une décision importante, les trois étapes clés, si je le regarde par le prisme de la négociation, ce serait :
Définir son non-négociable : ce sur quoi je ne suis pas prêt à transiger ainsi que mes enjeux.
Accepter la zone de turbulence : la phase d’incertitude dans laquelle on va rentrer, qui est nécessaire pour récolter de l’information et pouvoir alimenter sa prise de décision.
- Acter la décision et l’assumer : une étape indispensable pour avancer, porter son choix et en prendre pleinement la responsabilité."
2. Face à un dilemme, comment trouver une troisième voie plutôt que de simplement trancher ?
"Face à un dilemme, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on va devoir choisir la moins pire des solutions, c'est ce qu'il faut admettre dans le cas de la gestion de ce problème.
La deuxième chose à avoir en tête, c'est que dans ce cas, si vous ne décidez pas, ce sont les autres ou la vie qui décideront pour vous. Cela signifie qu'on va se retrouver à subir des choses qu'on n'aura pas du tout décidées.
Le troisième point que je dirais face à un dilemme, c'est vraiment de se dire : en l'état actuel des choses, des informations, de mes enjeux, du temps imparti, quelle est la décision avec laquelle je vais le mieux vivre dans trois jours, dans trois mois, dans trois ans ?
Le “mieux vivre”, c’est-à-dire ne pas tomber dans la rumination, la post-rationalisation : si j'avais su, j'aurais fait comme ça ; si j'avais su, je n’aurais pas fait ça.
Le tout est de savoir comment je vais vivre avec la décision que j'ai prise."
3. Comment annoncer une décision impopulaire à son équipe ?
"C'est là où vous allez exercer votre rôle de manager, c'est-à-dire faire de la pédagogie en expliquant pourquoi la décision a été prise, avec le contexte que vous connaissez et que le reste de l'équipe ne connaît peut-être pas.
Les enjeux aussi : parfois les gens ont une vision de leurs enjeux sur leur périmètre, et pas forcément des enjeux de la société à court ou à moyen terme. Il faut donc expliquer qu'avec l'ensemble des informations que vous aviez en l'état, ça paraissait être la meilleure décision.
Ce qui est intéressant dans la prise de décision, c'est qu'il y a un rapport au temps. Ce n’est pas parce qu’en janvier on a décidé ça que la décision est valable pour toujours, peut-être que dans 18 mois, il faudra rouvrir la discussion et faire différemment."
4. En quoi la négociation peut-elle aider à mieux gérer sa prise de position ?
"L'impact de la négociation dans la prise de décision, notamment si elle est collective, peut se jouer à plusieurs niveaux.
D'abord, en négociation, vous allez définir vos enjeux véritables. Cette étape passe par du questionnement, parce que bien souvent, on n'est pas conscient de son enjeu ou de sa motivation profonde, on va plutôt s'attacher à la posture ou aux objectifs qui sont devant nous.
Faire cet exercice de définir nos propres enjeux et ceux du reste du groupe, ça permet déjà de se dire : est-ce qu’on parle de la même chose ? Est-ce que ce qui est en jeu dans la décision est la même chose pour tout le monde ?
Le deuxième aspect que l’on peut transposer de la négociation à la prise de décision collective, c'est l’écoute. Pour bien négocier, vous devez écouter de manière active l'interlocuteur en face de vous : ne pas le juger, comprendre aussi ce qui l'anime profondément. C'est une vraie bonne pratique qu’on peut transposer dans la décision.
Le troisième point qu’on peut relier entre la négociation et la prise de décision, c'est le fait d'assumer. Une fois que la décision est prise, on vivra avec, on la portera et on la défendra."
Question bonus Maison du Management : Que signifie “avoir du courage” lorsqu’on doit prendre une décision en tant que manager ?
"Avoir du courage, ou plutôt manquer de courage, peut souvent être un frein à la prise de décision.
Pourquoi faut-il être courageuse ou courageux ? Parce que parfois la décision est difficile à prendre. On va devoir traverser, assumer, emmener une équipe dans des conséquences qui vont être difficiles.
Néanmoins, en tant que manager, responsable ou dirigeant, on sait que ça va être dur, mais on sait aussi qu'il faut en passer par là, parce que c'est la meilleure des choses à faire pour les enjeux véritables de l'équipe ou de l'organisation."
Propos recueillis par Fabien Soyez, Content Manager (CDI Médias & Services)
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