Interviews experts MM : 3 questions à… Corinne Blanc-Fauguère
Interviews experts MM : 3 questions à… Corinne Blanc-Fauguère
« L’art de convaincre sans renoncer à soi »
Convaincre n’est pas manipuler. Dans un monde incertain, les managers doivent inspirer, fédérer et argumenter avec justesse. Coach et experte en communication éthique, Corinne Blanc-Fauguère montre comment l’authenticité peut devenir une véritable force de conviction.
On imagine souvent que la capacité à convaincre est l’apanage de leaders charismatiques, doués d’un talent inné pour l’éloquence. Mais cette vision est trompeuse. Convaincre, ce n’est pas briller pour séduire, ni imposer sa volonté : c’est d’abord créer de la confiance et rester aligné avec ce que l’on dit.
Dans ses ouvrages Maîtrisez l’art de convaincre, sans manipuler et Maîtrisez l’art de la répartie (Leduc), Corinne Blanc-Fauguère défend une approche éthique et accessible à tous. Selon elle, chacun peut développer cette compétence, à condition d’allier conscience de soi, intelligence émotionnelle et respect de l’autre. Une posture essentielle, notamment pour les managers, qui doivent fédérer leurs équipes sans tomber dans la manipulation.
1. On a parfois l’image d’un leader naturellement charismatique, à l’aise à l’oral, sûr de lui. Mais vous dites que convaincre, ce n’est pas manipuler, c’est argumenter avec justesse et éthique. Alors, qu’est-ce qu’être convaincant selon vous ?
Être convaincant, ça s’apprend ! Comme le charisme ou l’impact relationnel, ce ne sont pas des dons tombés du ciel – heureusement, sinon nous serions bien peu à être entendus (rires). Tout commence par l’authenticité. Un leader qui n’est pas congruent – aligné avec ce qu’il dit et qui il est –, à fortiori lorsqu’il est manager, ne pourra pas être crédible. Et sans crédibilité, impossible d’être écouté, ni entendu. Surtout dans un monde incertain…
Vient ensuite l’intelligence émotionnelle : convaincre, c’est savoir rassurer ceux qui en ont besoin, stimuler ceux qui attendent d’être challengés. Car nous n’avons pas tous les mêmes leviers de conviction. Certains collaborateurs ont besoin d’arguments rassurants, humains et émotionnels pour avancer ; d’autres, au contraire, seront davantage convaincus par des données chiffrées, des performances ou du concret, pour progresser. Être convaincant, c’est donc d’abord savoir s’ajuster à ses interlocuteurs et comprendre leurs besoins.
2. Dans votre accompagnement, tout commence par la conscience de soi. Pourquoi est-ce si important ?
La conscience de soi est, selon moi, le point de départ incontournable. Comment un manager pourrait-il avoir une écoute juste, une sensibilité fine ou une empathie sincère s’il ignore ses propres besoins, ses émotions ou ses inquiétudes ?
Mais au-delà du management, c’est une vérité humaine. Si je n’ai pas conscience de l’effet que ma présence, mon énergie ou mes paroles produisent sur les autres, comment puis-je réellement accueillir la singularité de celui qui est en face de moi ? Être convaincant, c’est donc avoir fait le chemin de la connaissance de soi et du fonctionnement humain (à minima). Et surtout, le faire avec des intentions éthiques.
Je crois profondément que des relations saines et assertives sont la meilleure façon de fédérer une équipe autour d’un objectif commun, et de l’atteindre ensemble, de manière durable.
3. On parle souvent de l’importance de s’adapter à son auditoire, à son interlocuteur, voire à une génération… Mais comment trouver le bon équilibre entre adaptation et authenticité ?
On oppose souvent « s’adapter » et « être authentique », mais pour moi, ce n’est pas contradictoire. S’adapter, ce n’est pas se soumettre. Être convaincant, c’est écouter son interlocuteur dans sa singularité justement : sa génération, sa personnalité, ses besoins… Cette écoute permet de trouver les bons mots, la bonne posture, sans jamais avoir besoin de se transformer, ni de jouer un rôle. Et ça, croyez-moi, être soi tout simplement, qu’est-ce que c’est reposant.
Plus je comprends l’autre, plus je peux rester droit, crédible et vrai dans ma communication. Et c’est précisément cette cohérence – cette alliance entre authenticité et adaptation – qui rend un manager impactant et éthique. Parce que ses interlocuteurs ont compris que c’était une personne fiable… Pas parfaite, mais fiable.
Et croyez-moi, en termes de force de convictions, de persuasion ou de crédibilité, cela est un atout majeur.
Bonus Maison du Management : quel a été votre plus grand déclic pour devenir convaincante… sans renoncer à vous-même ?
Je crois qu’il est venu du théâtre, lorsque je débutais dans le spectacle en tant que professionnelle.
Quand on monte sur scène, on pourrait croire qu’il faut « jouer un rôle », faire semblant de. Mais très vite, j’ai compris que ce qui touche vraiment un public, ce n’est pas l’artifice, c’est la sincérité. Ce n’est pas « le masque » qu’on lui présente qui compte, mais ce qu’on laisse transparaître de soi. C’est notre qualité de présence et notre vérité d’être.
Faire semblant n’a jamais convaincu personne, en réalité, sur scène ou ailleurs ! Depuis 2011, que j’ai fait le choix de me réorienter professionnellement, que ce soit sur scène en conférence, ou dans mes accompagnements, je garde cette conviction profonde : on ne convainc jamais aussi bien que lorsque l’on est profondément aligné avec ce que l’on dit et avec ses propres valeurs. Pour moi, c’est cela « convaincre sans renoncer à soi » : faire de son authenticité sa première force.
Propos recueillis par Laure Girardot