Comment éviter la fatigue décisionnelle ?
Comment éviter la fatigue décisionnelle ?
Entretien avec le Dr. Vanessa Marcié, conférencière et formatrice, spécialiste en leadership, qui nous partage ses conseils pour décider avec plus de clarté et de sérénité.
1. Les managers prennent des dizaines de décisions chaque jour. Comment faire pour éviter la fatigue décisionnelle ?
La fatigue décisionnelle vient quand on doit prendre une multitude de petites décisions, souvent inutiles. Beaucoup pourraient être évitées ou déléguées.
Lorsqu’on a défini ses valeurs et ses non négociables, cela crée un cadre clair que l’on ne dépasse pas. Ce cadre aide à décider plus vite et plus sereinement.
Par exemple, si une décision touche à une question d’éthique et qu’on sait où se situent nos limites, on est plus à même de trancher rapidement.
Je pense aussi qu’en entreprise, on devrait revoir la distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important. Les managers sont constamment sollicités, souvent pour des décisions mineures qui pourraient être anticipées ou confiées à d’autres.
Tout cela génère de la charge mentale. En revanche, quand on sait ce qui est non négociable, on peut dire “non” sans culpabilité : là, je sors de mon cadre, je ne suis plus alignée avec mes valeurs.
2. Quand on a peur de se tromper en tant que manager, comment garder la tête froide pour prendre de bonnes décisions ?
Il faut savoir prendre un temps avant de décider.
Lorsqu’une décision est importante, le stress monte, et il ne nous conseille jamais bien. Mieux vaut faire une pause : aller marcher, respirer, faire un peu de yoga… L’idée est de se vider la tête pour pouvoir décider en conscience, sans être influencé par la tension du moment.
Et s’il faut décider rapidement, il faut faire confiance à son intuition et à ses sensations.
Dès qu’on nous propose quelque chose, on ressent forcément des émotions: un élan, une gêne, une excitation. Pourtant, on a tendance à ignorer ces signaux en se réfugiant derrière les faits, les chiffres, les business plans.
Mais bien souvent, on finit par se dire : “J’aurais dû suivre mon intuition.”
Les premières impressions comptent, il faut s’écouter : Est-ce que j’ai une boule au ventre ? Est-ce que je me sens enthousiaste ?
Sam Altman, le PDG d’OpenAI, explique qu’il peut prendre une décision en dix minutes, simplement en se fiant à son intuition, et dans 90 % des cas, selon lui, il a raison.
3. Comment faire la différence entre une bonne intuition et la peur ?
Il faut apprendre à écouter son corps.
Prenez quelques minutes pour faire un “scan” de vos sensations : Est-ce que j’ai mal au ventre ? Est-ce que je ressens un malaise ?
Si c’est le cas, c’est peut-être un signal d’alerte : il faut alors prendre un peu plus de temps avant d’agir, voire renoncer.
À l’inverse, si vous ressentez de l’excitation, de la curiosité ou de l’enthousiasme, c’est probablement que vous êtes sur la bonne voie.
Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise décision en soi : on ne décide qu’avec le niveau d’information dont on dispose à un instant donné.
Mais si l’intuition et les faits convergent, cela donne un bon indice que la décision est juste.
Comme le dit Sheryl Sandberg, il faut savoir décider avec 70 % des informations disponibles. Si l’intuition rejoint ces données, on peut y aller.
En revanche, si les faits et le ressenti divergent, mieux vaut prendre un peu plus de recul, car c’est souvent le signe d’un désalignement.
4. Quels rituels ou bonnes pratiques conseillez-vous pour décider avec plus de sérénité ?
Je pense que tout le monde devrait se poser la question : Quelles sont mes valeurs ? Qu’est-ce qui est négociable et non
négociable ?
Cela aide à éviter les dilemmes éthiques. En entreprise, on peut parfois être confronté à des demandes contraires à nos principes. Si on sait dire “je ne vais pas là”, cela permet de rester aligné — et parfois de se demander si l’on est bien à sa place.
Bien se connaître, c’est fondamental. Plus on a d’expérience, plus on décide avec justesse, car notre intuition se nourrit du vécu.
Notre cerveau reconnaît les situations déjà rencontrées : il nous dit “tu es déjà passé par là, fais confiance à ce que tu as appris”.
Parmi les bonnes pratiques :
- Établir un petit contrat personnel de négociables et non négociables ;
- Suivre son intuition ;
- Se demander : “Est-ce que je peux vivre avec cette décision ?”
- Imaginer le pire scénario : si tout tourne mal, est-ce que je peux l’assumer ?
- Faire le test du miroir : “Est-ce que je pourrai me regarder dans la glace demain matin ?”
- Et surtout, parler de ses décisions. On garde souvent tout pour soi, mais le simple fait d’en parler aide à y voir plus clair.
Quand j’exprime mes doutes à voix haute, cela concrétise ce que je ressens. J’ai souvent vécu ça, à force d’en parler autour de moi, je trouvais mes arguments et je devenais de plus en plus sûre de ma décision.
5. Quand il faut décider vite, comment trouver le bon équilibre entre réflexion et action ?
Quand on doit décider vite, il faut d’abord se demander : Est-ce vraiment si urgent ?
On confond souvent tout : tout est urgent, tout est important, tout était pour hier.
Mais il y a des échelons dans l’urgence. Il faut remettre les choses en perspective : est-ce l’urgence de l’autre ou la mienne ? Y a-t-il un vrai enjeu ?
Ensuite, il faut regarder si l’intuition et les faits convergent. Si c’est le cas, allez-y. Si une différence subsiste entre ce que vous ressentez et ce que disent les données, il faut peut-être un peu plus de temps pour trancher.
Et surtout, ne pas rester bloqué :
“La plus mauvaise décision, c’est celle qu’on ne prend pas.”
L’essentiel, c’est de pouvoir vivre avec sa décision, même imparfaite.
Propos recueillis par Fabien Soyez, Content Manager (CDI Médias & Services)
