Interviews experts MM : 3 questions à… Laurence Thomas et Michel Abitteboul
Interviews experts MM : 3 questions à… Laurence Thomas et Michel Abitteboul
“La charge mentale n’est pas une fatalité !”
La charge mentale n’est pas une fatalité Executive coaches formés à l’Approche Neurocognitive et Comportementale (ANC), Laurence Thomas et Michel Abitteboul accompagnent les dirigeants confrontés au brouillard mental du quotidien. Co-auteurs de La Boîte à Outils pour prévenir la Charge Mentale (Dunod, 2024), ils proposent une lecture concrète et opérationnelle d’un phénomène prégnant qui affecte particulièrement les décideurs.
1. On parle beaucoup de “charge mentale”, mais le terme reste flou. Comment la définiriez-vous concrètement dans le contexte du travail ?
La charge mentale, c’est la saturation cognitive et émotionnelle liée à des ressources contraintes. Dans le contexte professionnel, elle provient souvent de l’accumulation de tâches, de pensées, d’informations et de sollicitations qui saturent l’attention. Ce n’est pas seulement “avoir beaucoup de choses à faire”, c’est aussi en avoir trop en même temps. La surcharge peut provenir du volume, mais plus souvent de l’absence de clarté dans la capacité à passer à l'action : des dossiers non clos, des attentes floues, des priorités qui changent trop vite, un flux numérique qui ne s’arrête jamais. Quand le cerveau ne peut plus faire son travail de tri ni de récupération, il bascule en mode réactif. On confond urgence et importance, on oublie, on s’agace, on se disperse.
2. Votre livre explique que notre époque favorise un état de débordement permanent. Qu’est-ce qui alimente aujourd’hui cette surcharge mentale des managers ?
Le premier moteur, c’est le monde VUCA : volatil, incertain, complexe et ambigu. Ce contexte impose une forme d’hypervigilance qui consomme énormément d’énergie mentale. S’ajoute ensuite l’environnement numérique : notifications permanentes, comparaison permanente, injonction à répondre vite, course à la performance visible. Notre cerveau n’est pas conçu pour traiter autant d’intrusions simultanées. Le multitâche joue aussi un rôle clé. Enfin, l’ambiguïté des priorités, des rôles ou des limites, en particulier en télétravail, ajoute à la surcharge : le flou est l’un des plus grands consommateurs de ressources mentales.
3. Quelles premières actions un manager peut-il mettre en place pour alléger sa charge mentale au quotidien ?
Pour retrouver du pouvoir d’agir face à la charge mentale, il faut intervenir selon trois axes. L’hygiène cognitive, tout d’abord, consiste à repérer nos pensées et nos croyances structurantes qui conditionnent nos comportements et génèrent notre propre surcharge. Par exemple, si nous sommes convaincus que nous devons être irréprochables ou parfaits, nous allons probablement dépenser trop d’énergie à produire une sur-qualité inutile par rapport à la situation. Dans notre ouvrage, nous proposons plusieurs approches pour diminuer l’impact de ces pensées sur nos comportements.
Ensuite, il faut agir sur notre hygiène émotionnelle : apprendre à identifier, moment après moment, nos émotions, nos agacements, nos irritations et leurs manifestations. Chercher à comprendre leurs causes, puis contrebalancer les moments de tension par des plaisirs simples, des pauses, voire des moments d’errance mentale particulièrement ressourçants.
Enfin, il est nécessaire d’assainir notre hygiène comportementale : clarifier, trier, prioriser, limiter les interruptions, investir du temps dans l’organisation afin d’éviter ce flou mental qui draine notre énergie. Nous proposons de nombreuses pistes issues des neurosciences cognitives et de la pleine conscience pour ancrer de nouvelles pratiques dans le quotidien.
Question bonus Maison du Management : et vous, quelles stratégies ou rituels mettez-vous en place pour préserver votre équilibre mental ?
Personne n’est parfait, et la charge mentale est un sujet qui requiert beaucoup d’humilité. Autant que possible, nous pratiquons cette hygiène cognitive et émotionnelle au quotidien : chercher à se connaître, observer nos propres réactions, repérer les micro-irritations avant qu’elles ne s’installent. Fermer les boucles autant que possible : une tâche qui prend moins de deux minutes gagne à être traitée immédiatement pour éviter qu’elle ne reste dans la mémoire de travail. Quand c’est possible, changer d’univers (marcher, changer de pièce, s’aérer quelques minutes) crée un sas mental qui coupe le flux. De courts temps de transition permettent également de purger l’attention avant de passer à un autre sujet. Ces micro-rituels, répétés, permettent de garder l’esprit aussi clair que possible et d’éviter que la charge mentale ne s’installe.
Propose recueillis par Laure Girardot
👉 Pour mieux comprendre et agir sur la charge mentale dans les organisations, participez à notre Workshop du 22 janvier 2026 : https://www.lamaisondumanagement.com/events/0901dc35-5bd0-f011-8195-000d3a2226fe/-mm-workshop-prevenir-la-charge-mentale-et-alleger-son-esprit
